Football : Après le fiasco Mediapro, à quoi s’attendre pour l’appel d’offres des droits TV de la Ligue 1 ?

Ces lundi 16 et mardi 17 octobre la Ligue de Football Professionnel procède à l'appel d'offres relatif aux droits de diffusion TV de la Ligue 1. Dans quelques heures, sera dévoilée l'identité du diffuseur qui aura l'immense privilège de diffuser les matchs de football français, et, élément essentiel pour la LFP et les clubs, à quel prix ?
Au regard du fiasco représenté par le dernier appel d'offres en date du mois de mai 2018, l'édition 2023 revêt un enjeu particulier. Pour l'appréhender et le comprendre, il est nécessaire de faire ce petit pas de recul. Que s'est-il passé avec Mediapro ? Pourquoi, et c'est historique, Canal + ne se positionne-t-il pas sur cet appel d'offres ? Quels candidats pour ce dernier ? Éléments de contexte…
Le fiasco Mediapro
Le 29 mai 2018, on a sabré le champagne au bureau de la Ligue de Football Professionnel (LFP). « On a décroché le milliard ! » a-t-on pu entendre de part et d'autres. 1,153 milliards exactement. Et à la Ligue, on bénit l'arrivée sur le marché de Mediapro, qui a empoché 80% des lots de la Ligue 1 pour 783 millions d'euros annuels et fait grimper la mise de 34% pour la période 2020-2024 comparativement à la précédente. Les 20% restant attribués à Canal+ par le biais de beIN Sports. Une aubaine donc pour les clubs français, qui tirent plus d'un tiers de leurs recettes des droits tv.
Le football français, qui se gargarise du milliard qui tombe, tirera la tronche deux ans plus tard. En septembre 2020, Mediapro et son président Jaume Roures surprennent leur monde et demandent un délai pour régler son échéance du 6 octobre. "Nous voulons rediscuter le contrat de cette saison. Elle est très affectée par le Covid-19, tout le monde le sait car tout le monde souffre […] On ne remet pas en cause le projet en tant que tel. Mais les bars et les restaurants sont fermés, la publicité s'est effondrée... Ce sont des choses que tout le monde connaît" s'exprime Roures. Dans la foulée, la LFP hausse le ton et met en demeure la société sino-espagnole. A la fin de l'année 2020, la LFP et Mediapro s'accordent finalement sur une rupture de contrat. Le groupe audiovisuel claque la porte, et les promesses de millions s'en font. Le mal est fait, les clubs ont déjà commencé à dépenser l'argent qui leur avait été promis.

Une faillite prévisible
Si tous les présidents de clubs ont crié au jackpot deux ans plus tôt, la défaillance était pourtant prévisible. Le plan de Mediapro visait d'abord à écarter Canal + de la course aux droits TV, chose faite, pour leur revendre ces mêmes droits plus cher. Sauf que Canal +, qui avait alerté de l'échec prévisible de Mediapro, ne l'a pas vu de cet œil-là. Le calcul de Mediapro tombe à l'eau. La chaîne sino-espagnole est contrainte de diffuser elle-même les matchs. Et pour rembourser les 780 millions mis en jeu, elle table sur l'abonnement de 3,5 millions de téléspectateurs. 3,5 millions d'abonnés, à 25€ par mois, pour 7 matchs de Ligue 1, 8 matchs de Ligue 2… et rien d'autre. A titre de comparaison beIN Sports, en place depuis 2012, peine à atteindre les 3 millions d'abonnés malgré la diffusion des championnats étrangers, des Barça-Réal et autres Bayern-Dortmund en pagaille. Le football français fonçait dans le mur, et c'était annoncé.
Canal + ne se positionnera pas sur le nouvel appel d'offres
A trop avoir voulu faire grimper les diffuseurs au cocotier et décrocher le fameux milliard, la Ligue s'est brûlé les ailes et l'atterrissage est brutal. Pour sauver la mise, la LFP et Canal+ concluent un accord qui attribue à la chaine cryptée la diffusion des matchs laissés libre par Mediapro jusqu'à la fin de la saison 2020-2021. La chaîne cryptée apparait alors comme le sauveur du football français.
Mais coup de tonnerre, le 25 septembre dernier, Canal+, partenaire historique du championnat de France ne tentera pas d'obtenir ses droits télé pour la première fois depuis 1984.
Encore une fois, pour la ligue et son président Vincent Labrune, ce retrait est tout sauf une surprise. A l'issue de la saison 2020-2021, la LFP doit procédé à un nouvel appel d'offre pour réattribuer les lots délaissés par Mediapro. Un nouveau diffuseur sort alors du chapeau : Amazon, qui remporte ces lots pour seulement 259 millions d'euros. De son côté, Canal+ verse toujours 332 millions d'euros à la ligue pour seulement deux matchs par journée. Son président Maxime Saada souhaitait intégré à l'appel d'offre de 2021 ses lots hérités de celui de 2018. Objection de la part de la ligue qui semble avoir choisi son partenaire en la présence d'Amazon, et tourne le dos à Canal. Depuis, canal + se sent trahi et lésé. Les tensions ne sont jamais retombées avec la ligue et le dialogue est rompu. Le prix de départ des 2 lots à vendre de 800 millions d'euros de l'édition 2023 a découragé la chaîne cryptée qui ne se positionnera pas. Surtout, elle n'a pas besoin de la Ligue 1. Avec la Ligue des champions, le championnat anglais, la Formule 1 et le Top 14, le panier sportif de Canal+ est bien garni. Canal+ a annoncé également un accord de distribution avec Dazone qui devrait participer à l'appel d'offres pour les droits de la Ligue 1. Dazone sera donc en partie distribuée par Canal+, qui garderait ainsi du football français dans son offre sportive.

Dazone en pole position
Justement, l'appel d'offre de 2023, parlons-en. Diffuseur principal du championnat depuis 2021, Amazon n'est pas habitué à investir de si grosses sommes dans le football européen et ne mettra probablement pas la main à la poche. Canal + est persuadé que la LFP a déjà conclu un accord avec Amazon, ce que la ligue a démenti.
De son côté, beIN Sports est enfin rentable, et n'investira pas de sommes folles sur le championnat français. Elle compte cependant garder le droit de diffusion de deux affiches de Ligue 2 par journée. RMC Sport est, elle, en replis concernant les droits du football, et penche davantage vers les sports de combat. Elle ne sera, a priori, pas candidate.
Enfin, le groupe Dazone apparaît comme le seul candidat crédible pour récupérer les droits, et a déjà déclaré qu'il participerait à l'appel d'offres. Difficile cependant de savoir à combien s'élève leur enveloppe consacré au football français du « netflix du sport », qui est un acteur important du football européen puisqu'il diffuse déjà la Liga, la Série et la Bundesliga.